La météo prend toute son importance lors d’organisation de diverses manifestations. Chez moi, c’est une entière confiance que je voue à ces laboratoires qui tournent au-dessus de nos têtes et qui nous prédisent la météo à une heure près. Les dictons, je les garde pour me mettre à la hauteur d’une conversation.

Je fais confiance à Mr.Jeanneret.

Ce beau jour d’été que j’avais donc choisi, était réservé à une ballade sur le site du Vieux Emosson, endroit que j’adore, que je vénère presque! Je pars de bon matin, ce qui ne veut pas dire tôt puisque le soleil a déjà franchi l’Arpille. Après un bon café au restaurant d’Emosson à un prix encore raisonnable, je me faufile dans dans le couloir où un groupe s’apprête à démarrer et je croise un autre groupe qui vient déjeuner. Je réussis tout de même à m’échapper de ce bouchon de centre commercial pour rejoindre l’air, le bon air de là-haut.

Immédiatement ,je viens en aide à une petite dame en difficulté dans l’ajustement de son sac à dos. Tout en me remerciant, elle se présente… »Lina,nous venons d' »verdon, me dit-elle, pour visiter les traces des dinosaures, et d’ajouter aussitôt, « et vous vous rendez compte, c’est bien une idée de mon mari et vous croyez qu’il serait venu m’aider à démêler mes bretelles ! » Le petit groupe s’ébranla lentement. Lina me désigne l’avant du peloton avec son bâton de marche. « Vous voyez le petit avec la veste rouge, c’est mon homme de mari.Tonio, de préciser. Il fait le coq devant, mais cela ne va pas durer. Il fatigue vite, ce qui m’inquiète, car il est désagréable dans ces moments-là ! »Enfin,tout va bien…Faut-dire qu’on chemine encore sur le plat…

J’ai, quant à moi, la vague impression que mon parcours ne sera pas réservé aujourd’hui à l’observation, vu le bagout de Lina, ce qui en définitive, n’est pas pour me déplaire. Je trouve en effet, à travers son langage toute la fraîcheur, l’honnêteté et l’amour d’une autre région romande.

Lina me pose ensuite la question que j’attendais « Faut compter combien pour aller là-haut ? » Je reste évasif ,histoire de ne pas casser l’ambiance qui règne encore dans ce petit groupe.Je comprends mieux lorsque Lina m’apprend qu’elle a tenu comme gérante un kiosque à journaux au centre d’Yverdon, sa ville natale. Il est vrai que je ne peux pas en placer une!Je comprends aussi ce sifflement cadencé qui provient de sa chaussure droite. Des chaussures neuves que son Tonio lui a vivement conseillées pour leur venue à la montagne. Elles se forment, paraît-il?…

Et puis il y a ces bâtons de marche qui l’énervent. « Regardez mon mari, il les laisse dans son sac! Pourtant c’est encore un de ses conseils, médical celui-là,q ue de prendre ces bâtons. On dirait qu’il transporte son paratonnerre ! »

L’occasion est bonne pour m’informer que son Tonio est moitié Italien par son père et qu’il a toujours rêvé de tenir un grotto par le Tessin. En fait de rêve, il s’est vite effacé et voilà quarante-cinq ans qu’ils habitent rue de la Thièle, au 27, 3ème étage avec lessive le jeudi! Alors,ce beau jour de sortie devait être une fête, mais risquée… A tout moment, le cauchemar pouvait survenir, surtout que la montée s’avère plus dure que prévu. Tonio a abandonné la tête du peloton, selon lui pour prendre des nouvelles de sa moitié. Je souris discrètement, à voir les couleurs que prend notre homme. Ce qui n’échappe pas à Lina, inquiète dès lors. Tonio a trouvé un caillou pour s’appuyer, et entre deux respirations, de lancer à Lina « T’as-vu,Choupette,ce que l’on a déjà fait ! » La bonne dame s’excuse presque « Oui,c’est comme ça qu’il m’appelle, » mais dans la philosophie de Lina, le présent se vit en regardant l’avenir, pas le passé et c’est donc d’un regard plus noir qu’elle voit la suite de la journée, surtout que la deuxième chaussure commence à se manifester.

Le pas, plus lent, certes, mais bien cadencé reste au programme. Un touriste, descendant, informe le groupe de l’existence d’une buvette à mi-parcours. Du coup, Tonio regagne quelques places au classement que suit attentivement Lina, qui redoute le pire.

Ceci me fait penser à ces organisations féministes qui devraient se pencher sur un autre phénomène, plutôt que celui de la politique ou des multinationales, où elles envisagent des quotas! Pourquoi en randonnée ou à vélo, l’homme va toujours devant? J’évite la question pour Lina, qui, elle, se demande dès lors pourquoi ces grosses bestioles ont été pataugé là-haut. J’évite également une réponse qui est aussi longue que le chemin restant !

La montée dure encore et Tonio perd des plumes à chaque virage. Je ne vivrai pas la fin de la ballade avec ce couple sympa. Normal…en quelque sorte. Je sais par contre que l’ambiance va s’alourdir è l’annonce de Lina qui a oublié l’appareil à photos sur la table de la cuisine, rue de la Thièle, au 27, 3ème étage…à Yverdon…

Rencontre au sommet peut-être pas comme vous l’imaginiez, mais qui, pour moi, restera bien inscrite dans la liste de mes petits bonheurs…

« Le temps passe et chaque fois qu’il y a du temps qui passe, il y a quelque chose qui s’efface »