Il en faut du temps pour se rendre compte qu’il s’en est passé…du temps. Serge Gainsbourg, il y a vingt ans, une nuit de mars 1991 s’en est allé en silence. Il disparaissait alors que You’re under Arrest, son génial et dernier album studio, résonnait encore dans nos têtes, enfin celles qui étaient réceptives bien sûr. A l’époque, personne n’était dupe, Gainsbourg ne ferait pas un bon centenaire, mais quand même, c’est en mourant seul chez lui qu’il nous a donné sans le vouloir sa dernière leçon, celle de l’absence.

En 1987, à la sortie de ce qui allait être le dernier album studio de Serge, la Radio romande avait envoyé l’actuel directeur de la 3 faire une interview de l’homme dans l’intimité de son appartement parisien. Je me souviens très bien de cette émission, j’en avais même enregistré une partie, découvrant au passage que la Radio romande d’alors était capable de faire des trucs intéressants, même pour un gamin de 16 ans. Un montage sonore excellent sur fond de Melody Nelson, et un Gainsbourg qui s’était confié, guidé dans un dialogue intelligent avec Jean-Luc Lehmann, accompagné j’imagine pour l’occaison, de son meilleur Nagra. D’ailleurs c’est ce même Jean-Luc, qui a mis en place en décembre 2010, une incroyable émission dédiée, dont les podcast des surprenantes interviews réalisées à l’occasion sont là. J’aime à penser que l’opération de Couleur 3 est probablement le meilleur hommage rendu en regard aux bouzasses des chaînes françaises qui agitent d’improbables et pathétiques marionnettes de la variété actuelle, et mettant en scène ces ineptes afin d’interpréter (le verbe est juste, mais à leur façon) des chansons de Gainsbourg. Pauvre Serge, pauvre France.

Pour la petite l’histoire, je dois confier qu’en 1988 avec mon pote de l’époque, nous avions réussi par je ne sais quel stratagème, à persuader nos autorités parentales respectives, d’aller voir le beau Serge au Zénith de Paris pour la tournée 1988 de « Gainsbourg en cavale », et probablement par la même de se faire payer le billet. Merci à eux. Ainsi, du haut de mes 17 ans, j’ai vu Gainsbourg à quelques mètres de moi, dans cette salle devenue mytique, fumer trois paquets de clopes en 1h30, tout en distillant un live énorme. Comble de la chance, c’était le soir où le concert était enregistré, le p’tit Lulu doit peut-être s’en souvenir, en tous cas moi, je ne suis pas près de l’oublier.

Les différentes périodes de Serge Gainsbourg sont loin de toutes me passionner, et sur l’ensemble de sa carrière il y a quand même quelques bons canards ! Mais la période « Gainsbar », où je l’ai découvert, reste celle qui me provoque les plus belles émotions, ceci probablement en lien avec les souvenirs de l’époque d’alors. Sa mort m’avait provoqué une vraie tristesse, alors peu comprise. Gainsbourg n’avait pas que des fans.

Dans sa discographie, hormis ses excellents albums studios, je recommande néanmoins, les deux derniers Live du Maître. D’ailleurs, Arte a eu la bonne idée de diffuser le « Bataclan 1985 » l’autre soir, que du bonheur.

Ici la planète des Singes, tu nous manques peu Serge !